Rollat habite à Courchapoix. Autour de lui, dans la Prévôté, dans toute l’ex-Principauté les institutions politiques sont en bouleversement.
Membre du gouvernement provisoire de la partie de la Principauté non occupée par les Français, Rollat s’efforce de faciliter la vie de ses concitoyens.
La République rauracienne s’efface devant le Département du Mont Terrible.
Les disputes entre partis opposés dans l’assemblée de la République rauracienne conduisent à sa disparition.
Créée le 11 décembre 1792, elle disparaît le 23 mai 1793 et fait place au département du Mont-Terrible, qui forme le 84e département formé des assemblées primaires et électorales. Trois députés furent nommés membres de la Convention nationale. En mai 1793, l’administration centrale entra en fonction. (p.164)
L’un des députés est l’abbé Lémane
Les deux autres sont Ignace Rougemont et Graizelé, suppléant, qui n’a pas siégé. Voir les débats de la convention nationale.
Le Département du Mont Terrible engendre la République de Montsevelier !
Le village de Montsevelier ne faisait pas partie de la prévôté sous les Roches, mais dépendait directement de la seigneurerie de Delémont
En créant le département du Mont Terrible, Montsevelier se retrouve enclavé dans un territoire considéré comme suisse et hors de portée des Français.
Tout autour de Montsevelier se trouve la Suisse. Les Français ne peuvent y accéder.
La République de Montsevelier, 1792 à 1797
Montsevelier, enclavée entre la Prévôté et le canton de Soleure, la commune demeura soumise au prince-évêque de Bâle.
Voici ce que note A. Daucourt,
Fidèle à son prince, elle forma sous sa haute autorité une petite République gouvernée par son curé et par son maire. Elle continua à payer les redevances dues au prince, ainsi qu’au Chapitre de St Ursanne. C’est ainsi que pendant cinq ans, bravant la France, elle forma un petit Etat ne relevant que du prince-évêque de Bâle, réfugié à Constance. Celui-ci, en retour, lui faisait parvenir le sel et le grain dont elle avait besoin(p.163).
En quoi cela concerne-t-il FF. Rollat ?
Le 3 mai 1793, la veille d’un dimanche, on me donna avis que des militaires français de Delémont, chargés de proclamations emprunteraient armés le territoire de la Prévôté pour se rendre dans cette commune afin de la contraindre à embrasser la liberté.
Pour ne pas atteindre publiquement à la Neutralité de la Suisse, ils prirent un chemin détourné et voulant suivre le pied de la montagne de Courchapoix, deux furent arrêtés par le piquet que j’avais fait posté à cet endroit.
Ces deux Français furent conduits armés au village, où étant arrivés, je les pris sous ma sauvegarde.
C’est à cet endroit, ou dans son voisinage immédiat, que les soldats français ont été arrêtés.
Pour Rollat, l’affaire est grave. Il connaît ce qui est arrivé à Vermes, après la victoire des Viermets sur les Français dans les gorges du Tiergart. Les Français sont revenus par Rebeuvelier, ont pillé, incendié et violé.
Rollat continue son récit :
Aussitôt, le bruit se répandit à Corban et à Mervelier, autres villages de la Prévôté, que les Français s’étaient permis de violer la Neutralité en passant armés sur le ban de Courchapoix, qu’il fallait s’y transporter pour repousser la force par la force.
En conséquence, les gens de Corban et de Mervelier s’armèrent, les hommes avec des fusils, les femmes avec des faulx et des tridents, et arrivèrent incontinent au dit lieu.
Sans confusion le sexe se séparant des hommes se plaça sur deux files vis-à-vis du presbytère et attendit le moment où ces deux Français sortiraient de chez moi pour les massacrer.
Pendant ce temps, j’interrogeai ces deux militaires et je dressai le procès-verbal qui fut de suite envoyé à Leurs Excellences de Berne.
Dans le moment où j’étais prêt à les faire sortir l’on vint m’avertir du dessein que les femmes avaient formé contre eux, qu’elles avaient juré aussitôt qu’ils paraîtraient de les exterminer.
Je fis différer leur départ et je me rendis à l’endroit de leur rassemblement pour haranguer ces furies. Je leur représentai avec douceur qu’instruit du crime qu’elles avaient dessein de commettre sur ces républicains, qui étaient en quelque sorte innocents de la violation du territoire de la Prévôté, qu’ils avaient été contraints par leurs chefs auxquels ils étaient tenus d’obéir, d’avoir fait cette démarche imprudente, que s’il leur arrivait la moindre des choses elles compromettraient non seulement la Prévôté, mais la Suisse entière, qu’en conséquence elles devaient les laisser partir librement et sans insulte.
Mais animées d’un esprit de vengeance, elles jurèrent qu’ils seraient leurs victimes.
Sur quoi je leur répondis avec humeur qu’au nom du Gouvernement provisoire de la Prévôté, dont j’étais un des membres, je les rendais personnellement responsables de tous les malheurs qu’un événement pareil pouvait attirer sur le pays et pour leur donner d’autant plus de satisfaction, je leur dis qu’elles auraient le plaisir de m’assassiner avec les deux militaires que j’accompagnerais en passant dans leurs files.
Ce que je fis effectivement, mais néanmoins, elles n’osèrent attenter à mes jours ni à ceux des soldats qui tremblaient comme des feuilles.
Ensuite je les fis conduire à un quart de lieue du village sans avoir eu de nouvelles ni d’eux, ni du procès-verbal que j’avais adressé à M. Grosjean, bandelier, pour l’envoyer à Berne. (p.165)
Par sa conduite courageuse et avisée, Rollat évite à son village atrocités et incendies.
Il avait déjà fait preuve de sagesse à Courrendlin. Il continuera en d’autres circonstances.
La détermination des femmes, Rollat les nomme le sexe et compréhensible. Dans toutes les guerres, elles subissent une grande part des violences et les soldats français avaient une terrible renommée.
De plus, l’expédition punitive sur Vermes devait être toute récente.