La défaite de Napoléon entraîne la remise en cause des frontières. Les pays occupés se séparent de la France.
La principauté retrouve une indépendance provisoire, avant d’être rattachée à Berne.
Période sombre pour F.F.Rollat qui porte un jugement acide sur le baron d’Andlau, chargé provisoirement d’administrer l’ancienne principauté épiscopale.
pp.192-197
Le 23 mai 1814, le comte d’Artois, présentement Monsieur, en qualité de lieutenant général du Royaume, conclut avec les Puissances alliées un traité par lequel la France rendait tous les pays qu’elle avait conquis, sauf la restitution de quelques frontières.
C’est de cette époque que date l’indépendance de l’Evêché de Bâle qui fut séparé de la France que je livre à son malheureux sort pour ne plus m’occuper que de mon pays, la Principauté de Bâle.
Les Puissances alliées nommèrent des gouverneurs pour régir les provinces qu’elles avaient subjuguées en attendant la décision du Congrès qui devait incessamment avoir lieu à Vienne en Autriche.
le baron d’Andlau
La Principauté de Porrentruy fut gouvernée par M. le baron d’Andlau, fils du bailli de Byrsech près d’Arlesheim, où il est né. Forcé de s’expatrier à la Révolution, il se réfugia dans la Brisgau où il fut nommé président du tribunal de Fribourg.
Le baron appelle les "Kaiserlicks"
Quelques mécontents de Porrentruy se permirent d’afficher des sarcasmes contre Son Excellence qui fit venir des troupes autrichiennes ainsi qu’à Delémont, pour maintenir l’ordre et en imposer aux audacieux.
Les impôts restent lourds et le baron d’Andlau intrigue
Nonobstant que le pays était très obéré, il laissa subsister la première année de son gouvernement, les impôts onéreux exigés par la France.
Il se contenta d’habiter à Arlesheim où ses vils intrigants allaient de temps en temps le trouver pour prévenir cet homme faible contre les autorités qui n’étaient point de son avis.
C’est pourquoi j’ai été convaincu. Lorsqu’un jour, en ma qualité d’adjoint, je voulus lui faire rapport sur le moral des habitants de cette ville où je disais que quelques mauvais sujets avaient démontré de l’effervescence. A ce mot il m’interrompit en me disant que je ne devais pas me servir de ce terme. Sur quoi je lui tournai le dos.
Rollat ne supporte pas le manque d’autorité et d’ordre
Le 15 août, un malotru, sortant du conciliabule où étaient ces mêmes intrigants, se permit de venir m’insulter à l’hôtel-de-ville, en me mettant le poing sous le nez. Je le fis de suite arrêter par les Autrichiens qui le conduisirent en prison.
Mais le peuple, qui en avait été prévenu à temps, s’ameuta dans les rues et obtint sa sortie de prison de l’autorité compétente. Dégoûté d’être en place sous un gouvernement pareil et instruit qu’on se proposait de faire des changements dans l’administration, je pris le parti de donner ma démission d’adjoint.
Que devient la Prévôté de Moutier-Grandval ?
La Prévôté, l’Erguel et Bienne, qui autrefois avaient des liaisons intimes avec Berne et qui les avaient renouées, n’avaient pas voulu supporter le joug du baron d’AndIau, nonobstant les belles paroles qu’il leur débitait.
Ils résistèrent même à ses menaces d’exécution militaire. Ces endroits étaient garnis de troupes suisses, aussi ils ont préféré rester dans l’anarchie jusqu’au commencement d’octobre 1815.
Ils furent alors organisés provisoirement par son Excellence d’Escher, du canton de Zurich, qui avait succédé au gouvernement du baron d’Andlau, en attendant que ce pays fut définitivement classé.
Essai de retour du dernier Prince-Evêque, mis en scène par le baron d’Andlau
Son Altesse Monseigneur de Neveu, à qui le St-Père a rendu la partie de l’Evêché dont Porrentruy et Delémont avaient été incorporés à celui de Strasbourg, fut, à la fin de janvier 1815, amené à Delémont par le sieur d’Andlau.
Celui-ci lui faisait accroire que le Congrès qui allait s’assembler à Vienne lui ferait restituer ses Etats.
Pour le lancer davantage, on fit, à son arrivée à Porrentruy, dételer les chevaux de son carosse (sic) pour le faire traîner par des paysans.
Mais on a dit que ce respectable vieillard n’en avait pas été dupe. Il doit avoir dit que ce Monsieur d’Andlau avait plus travaillé pour devenir chef du pays que pour le Prince. Tout porte à le croire quand on sait les manœuvres et les ressorts qu’il faisait jouer.
Le baron d’Andlau cherche à rester au pouvoir, alors que le Congrès de Vienne va décider le sort du Jura
Un jour le maire de la ville fit appeler à l’hôtel-de-ville tous les chefs de famille pour signer une pétition portant qu’il plut aux Puissances de réintégrer le Prince dans ses Etats ou d’ériger le Jura en canton sans désigner quel serait son gouvernement. Ce qui faisait déjà augurer que son plan était de se mettre à la tête.
Ce qui venait encore à l’appui étaient les projets de constitution qu’il avait fait mettre en avant pour un gouvernement aristocratique. Mais Dieu soit loué, tout est resté dans le néant encore, malgré la députation qu’il avait envoyée à Vienne en son propre et privé nom, qui sans doute fut contrariée par celle de la Confédération suisse.
20 mars 1815, le Congrès de Vienne fixe le sort de la Principauté
Ce fut donc le 20 mars 1815 que les Hautes Puissances assemblées au Congrès de Vienne décrétèrent que l’Evêché de Bâle ferait partie du canton de Berne jusqu’au territoire d’Aesch. Les villages au-delà, y compris Aesch, qui sont au nombre de neuf, feraient partie de celui de Bâle et le canton de Neuchâtel aurait un petit hameau pour rectifier ses limites, en ajoutant que les actes respectifs de réunion seraient dressés par des commissions composées d’un nombre égal de députés de chaque partie intéressée.
Ceux pour l’Evêché de Bâle devaient être choisis par le canton directeur parmi les citoyens les plus notables du pays.
Les troupes suisses remplacent les kaiserlicks
En conséquence, les troupes suisses relevèrent vers la fin d’avril 1815 les Autrichiens et occupèrent tout le Jura.
Alors l’amiable Monsieur le baron d’Andlau, dont le rôle était fini, le remit à Porrentruy, le 23 août suivant, à L. Ex. M. d’Escher, nommé commissaire général par le canton directorial (Zurich)pour le régir en attendant que l’Acte de réunion fut dressé...
L’Acte de réunion
A l’Assemblée, pour dresser l’Acte de réunion, furent nommés commissaires
par le Conseil de Berne,
MM. Abraham-Frédéric de Mutach, conseiller d’Etat et chancelier de l’Académie,
David-Rodolphe de Fellenberg, conseiller d’Etat, président du tribunal matrimonial suprême,
C’est de père de Philippe-Emmanuel Fellenberg, auteur de la loi scolaire bernoise qui régira après 1830, l’école jurassienne.
Charles-Rodolphe Kirchberger, de Roll, ancien conseiller d’Etat,
Amédée de Jenner, ancien conseiller d’Etat, baillif à Interlaken,
Emmanuel-Louis d’Augsprunger, du Conseil souverain, professeur des sciences politiques,
Albert-Frédéric de Mai de Schâdeau, du Conseil souverain, commissaire général.
D’autre part, le canton de Zurich a nommé députés pour l’Evêché de Bâle,
MM. Ursanne-Joseph Conrad baron de Billieux, de Porrentruy, lieutenant du Commissariat général de la Confédération dans l’Evêché de Bâle, ancien officier major aux gardes suisses de Louis XVI,
Pierre-Joseph Arnoux, maire de la ville de Porrentruy et conseiller au tribunal d’instance de la même ville,
Antoine de Grandvillers, maire de la ville de Delémont, lieutenant-colonel du régiment suisse de Reinach, chevalier de l’Ordre militaire de St-Louis,
Jacob Gobat, ancien maire et notaire de Crémines, juge de paix et président du tribunal de première instance du district de la Prévôté de Moutier-Grandval,
Jean-Henri Belrichard maire et notaire de Courtelary, ancien capitaine au service de Prusse,
Jacob-George Chiffelle, président du Conseil de Neuveville,
Frédéric Heilmann, de Bienne, membre de la Commission de régence nommée par le Grand et petit Conseil de cette ville.
Daucourt ajoute :On remarquera que les Franches-Montagnes, le Laufonais et St-Ursanne n’étaient pas représentés à ce Congrès de Bienne, quoique ces pays avaient alors une population égale à la Prévôté et bien supérieure à la Neuveville qui n’avait pas mille âmes. Berne avait six députés et le Jura sept,
Ces députés se réunissent en congrès de Bienne
du congrès de Vienne à celui de Bienne !
Lesquels se sont réunis, à Bienne le 3 octobre 1815 et dressèrent l’Acte de réunion entre le canton de Berne et l’Evêché de Bâle.
Le chroniqueur relate ensuite dans ses Mémoires tous les articles de ce fameux contrat au nombre de 25, texte non repris par Daucourt.
Les articles de ce traité étant conformes aux stipulations, fixées par le récis de Vienne, pour servir de règle aux rapports à établir entre le gouvernement de Berne et l’Evêché de Bâle et les commissaires respectifs estimant avoir satisfait à leur mission, ont signé le présent Acte de réunion en deux doubles. Fait et dressé à Bienne le 14 octobre 1815.
Suivent les signatures des noms parlés en tête de cet acte.
Les tabatières ...
En récompense, les députés de l’Evêché ont reçu de L. L. Ex. de Berne une tabatière en or de la valeur de 50 louis d’or
Daucourt remarque : on ne connaît plus qu’une de ces tabatières. Elle appartient à M. Gobat, conseiller d’Etat à Berne et qui était celle de Jacob Gobat, de Crémines, son grand-père et l’un des signataires du traité de Bienne. Cette tabatière a figuré à l’Exposition historique de Moutier, en 1909.
Rolat reproduit en entier un long discours d’adieu du baron d’Andlau, remettant l’Evêché aux Bernois, daté du 30 décembre 1815. (non repris par Daucourt)
Berne "récompense " le baron d’Andlau.
Dans le courant de janvier suivant, le Conseil souverain de Berne nomma le baron d’Andlau membre du dit Conseil.
Le 24 décembre 1815, la Ville et République de Berne avait pris possession de la partie de l’Evêché qui lui avait été assignée par le Congrès de Vienne.
Et Berne nomme aussitôt des baillis !!!
M. de Mutach, commissaire de Berne, accompagné de
M. de Wurstemberg, grand baillif de Delémont,
de Jenner, grand baillif de Porrentruy,
de Bodt, grand baillif de Moutier,
de May, grand baillif de Courtelary et
d’Erlach, grand baillif de Saignelégier,
sortit à 10 heures du Château de Delémont, où il était logé, pour se rendre à la préfecture où l’attendaient les principales autorités du pays. Il leur donna lecture de la proclamation de la prise de possession.
Rolat rapporte en entier tous les discours, non repris par Daucourt.
Les discours finis le commissaire donna la main à tous les fonctionnaires présents. Ceux-ci le reconduisirent au Château épiscopal, possédé par M. Verdan. A deux heures, grand dîner à l’hôtel-de-ville, suivi d’un bal.
Le Conseil de la ville est élu et Rollat est nommé juge-suppléant au Tribunal.
Dans le courant de mai 1816, M. le grand baillif me nomma juge d’instruction au tribunal, sans aucune rétribution. p.198
Constitution nouvelle du canton et rétablissement des bourgeoisies.
Remarque : l’orthographe originale est respectée. A noter que Daucourt utilise indifféremment Rollat et Rolat.
Source :
Abbé A.Daucourt, Mémoires de François-Ferdinand Rollat de Courchapoix, de 1792 à 1822, publiés dans Episodes de l’histoire de Delémont au XVIIIe siècle par A. Daucourt, archiviste, imprimerie Grobéty et Membrez, 1910.
Le manuscrit original se trouve au Musée jurassien d’art et d’histoire, à Delémont.