Rollat était le recours des habitants du Val Terbi, en cas de litige. Il constituait un interlocuteur privilégié pour les autorités, à la botte des Français.

Il était également juge et officier judiciaire.

Prêtres jureurs et Curés réfractaires

L’Eglise, avant la Révolution française, était un appui très fort pour le pouvoir royal. Le Roi se prétendait roi par volonté divine et la hiérarchie ecclésiastique le considérait comme tel.

Cette complicité entraîna une hostilité très forte des révolutionnaires contre les Eglises traditionnelles, en particulier contre le haut clergé.

Rollat raconte :

au printemps 1795, l’administration centrale du département fit publier la Constitution civile du clergé avec injonction à tous les curés et ecclésiastiques d’être fidèles, obéissants à la nation française qui était en délire, faute de quoi ils seraient transportés hors de la république pour toujours, à tout jamais.

Il était de notoriété que cette Constitution faite par des laïcs avait été anathémisée par le chef de l’Eglise comme contraire aux lois et disciplines de l’Eglise. C’est pourquoi lle St-Père déclara, par un bref, schismatiques tous ceux qui y adhéreraient.

En conséquence, la très grande partie des prêtres du pays prirent la fuite et l’autre, au nombre d’une douzaine, prêtèrent le serment que l’on exigeait d’eux.

Parmi ces derniers, il y en eut qui, pour mieux se vautrer dans la fange, renoncèrent à leur état et épousèrent des malheureuses.

On voulait bien les installer comme curés constitutionnels ou intrus, dans différentes paroisses, mais le peuple,.... préféra demeurer sans messes, sans offices plutôt que de participer aux crimes de ces jureurs ...

On se retrouve dans une ambiance de révolte religieuse, qui sent déjà ce qui se passera, bien plus tard, à la fin du XIXe siècle lors du Kulturkampf.

Pour l’instant, les gens refusent simplement de reconnaître les prêtres jureurs.

Alors advint une loi qui proscrivit les croix tous les signes de notre sainte religion, défense de sonner (les cloches) pour quelques actes du culte catholique.

On donna l’ordre de livrer aux membres de la Convention l’argenterie et les vases sacrés es églises. Ces objets ont été profanés par des anciens bourgeois de la ville de Delémont qui s’en servirent publiquement pour boire.

Les cloches devenant inutiles, les Français les firent enlever, à l’exception d’une par paroisse et les firent conduire à Besançon où ils se proposaient de les convertir en canon, mais la matière n’étant pas propice... on fut obligé d’abandonner ce projet.

Delémont put conserver cinq cloches, parce que quatre appartenaient au Chapitre de Moutier-Grandval.

Un prêtre réfractaire, réfugié à Corban est dénoncé ...

Le pauvre abbé (Koetchet), un ancien bourgeois de Delémont, ne sachant ni où aller ni que devenir, ... prit le parti de se réfugier à Corban.

Il avait auparavant été curé à Vermes, c’est lui qui assistait à l’expédition punitive des Français et au viol collectif d’une habitante.

Il s’était fait des ennemis parmi les sans-culottes... un entre autre était venu plusieurs fois chez moi pour le dénoncer comme l’ayant vu à travers les vitres d’une maison à Corban.

Je lui demandai sa dénonciation par écrit et signée de lui. Ce qu’il refusa toujours, craignant les suites ... Il aurait voulu que j’agisse d’office, mais la répugnance que j’ai toujours eu de punir l’innocence, ... me défendait de le faire.

Il (le dénonciateur) alla un jour à Moutier trouver le commissaire du pouvoir exécutif auquel il le (l’abbé Koetchet) dénonça comme prêtre émigré...

Octobre 1800, les gendarmes veulent arrêter l’abbé

Le commissaire envoya de nuit des gendarmes à Corban pour le saisir. Ayant entouré la maison dans laquelle ce pauvre abbé était caché, jusqu’au lever du soleil, car la loi défendait de violer pendant la nuit, l’asile des citoyens.

Ils trouvèrent tous les objets relatifs à dire la Sainte-Messe, mais ne rencontrèrent pas le prêtre. Celui-ci avait eu le temps de se cacher dans la grange en s’enfonçant dans un tas de boège (fourrage à base d’avoine) que les gendarmes ne fouillèrent qu’en enfonçant leurs sabres. Ces armes n’étaient heureusement pas assez longues ...

Ils saisirent ses ornements, dressèrent procès-verbal, les mirent dans un sac et les déposèrent chez moi ...

Comment éviter des représailles à ceux qui hébergeaient l’abbé et à la population de Corban ?

La loi ...portait deux ans de réclusion pour les premiers (les hôtes) et une amende onéreuse pour la commune .

Rollat réfléchit : je rêvai pour me tirer d’embarras ...

Il commença par je me transportai chez le citoyen, agent de la commune de Corban, auquel je fis la leçon, en lui dépeignant ce à quoi la commune était exposée d’avoir toléré un émigré dans son sein. Celui-ci ne manqua pas d’en faire le navré à tous les chefs de famille, à l’exception de celui qui était dénoncé pour en être le dénonciateur.

Je les fis tous venir les uns après les autres pour me déclarer ce qu’ils savaient relativement à M. l’abbé Koetchet, et après leurs dépositions, je les fis rester dans ma chambre, afin d’autant mieux intimider ceux ou celui qui auraient dessein de dire qui avait vu M. l’abbé après l’entrée des troupes dans la commune, dans la maison où les gendarmes avaient saisi les ornements ...

Le dénonciateur présumé parut à son tour et déposa effrontément qu’il n’y avait pas plus d’un mois qu’il avait vu au travers des vitres d’une telle maison, M. l’abbé Koetchet.

Lui ayant posé la question pour quelle cause il le dénonçait, il me répondit tout uniment qu’il lui en avait fait assez. Cette réponse ... fut un des moyens dont je me servis ...

Comment Rollat va-t-il traiter la servante de l’abbé Koetchet ?

Trois jours après, je décernai un mandat d’amener contre Catherine Bron, prévenue de l’avoir recélé.

Cette fille, toute tremblante, parut devant moi et lorsqu’elle fut seule, je la rassurai du mieux que je puis. Après avoir parlé des moyens de défense qu’elle avait, je me mis à écrire les demandes et les réponses ...

Rollat s’arrange pour que l’interrogatoire innocente Catherine Bron.

Il interroge Catherine Bron et lui fait dire que

- l’abbé Koetschet a passé chez elle, mais avant que les Français envahissent la Prévôté

- elle l’a connu à Delémont chez l’abbé Fleury

- les objets et ornements sacerdotaux saisis chez elle étaient des biens appartenant à l’abbé Guillaume Fleury de Delémont. Il les avait envoyés en 1792 à Corban pour les mettre en sûreté. Il voulait se retirer à Corban, mais il est mort et ses biens sont restés chez C. Bron.

Rollat continue ainsi de démonter le procès-verbal des gendarmes et conclut que Catherine Bron est innocente et que le dénonciateur a agi par haine et il termine

Nous N.N. juge de paix et officier de police judiciaire du canton de Moutier, prononçons la mise en liberté de Catherine Bron et ordonnons que les effets et ornements servant au culte catholique, inventoriés par les gendarmes, seront restitués à leur propriétaire après que le Directoire du Jury de l’arrondissement de Courtelary ... aura décidé que la prévenue ne doit pas être recherchée ultérieurement pour les faits dont elle est inculpée.

Rollat, ironiquement dit encore dans ses mémoires :

Le directeur du Jury de Courtelary a bien cherché tous les moyens possibles pour casser cette procédure, mais il n’a pu y réussir.

Et Corban échappe aux sanctions ...

Ce jugement faisait évidemment l’affaire de Catherine Bron qui évitait la prison et en coulisse, de l’abbé Koetschet, mais surtout, il évitait à la commune de Corban des représailles et des amendes considérables.